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Picasso omniprésent

Sarah Meneghello 11 octobre 2018
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René Dürrbach et Jacqueline de La Baume-Dürrbach, Les Demoiselles d'Avignon, d'après l'œuvre éponyme de Pablo Picasso (1907) Cavalaire, 1958, Tapisserie sans couture, chaîne de coton, trame de laine, 272 x 260 cm, Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el arte, Madrid © Succession Picasso 2018

Le génie espagnol n’en finit pas d’exercer un pouvoir d’attraction, tout simplement parce qu’il y a toujours quelque chose à (re)voir dans son immense œuvre.

Au Musée national Picasso, Chefs-d’œuvres ! présente des pièces maîtresses (les Arlequin de 1923, les Baigneuses, la Chèvre…), pour certaines exposées à Paris pour la première fois. Grâce à des prêts exceptionnels, des chefs-d’œuvre du monde entier dialoguent avec ceux de l’Hôtel Salé.

C’est donc le moment d’aller voir quelques-unes de ses plus belles toiles, dont la Danse, tableau de 1925, exceptionnellement prêté par la Tate Modern de Londres. Pièce maîtresse du Musée national Picasso-Paris, les Femmes à leur toilette, réalisée pendant l’hiver 1937-1938, est aussi exposée pour la première fois depuis sa restauration en 2018. À lui seul, ce chef-d’œuvre incarne les révolutions plastiques que le maître espagnol a orchestrées tout au long de sa vie.

Pablo-Picasso-Les-Demoiselles-d-Avignon

Pablo Picasso, Femmes à leur toilette, Paris, 1937, Papier collé, papiers peints découpés, collés et gouache sur papier marouflé sur toile, 299 x 448 cm, Musée national Picasso-Paris, Donation Pablo Picasso, 1979, MP176 © Succession Picasso 2018

Choisissant le thème traditionnel de la coiffure, Picasso met en scène trois femmes, évocations des compagnes qui se succèdent alors à ses côtés. Les images d’Olga Picasso, Marie-Thérèse Walter et Dora Maar hantent la composition de ce carton de tapisserie, le seul jamais conçu par l’artiste. En écho à la création de Guernica, quelques mois plus tôt, il reprend l’idée d’un très grand format et assemble une multitude de papiers découpés, aux motifs variés, un procédé inspiré des recherches cubistes.

Quel sens a la notion de chef-d’œuvre pour Picasso ?

« Tout au long du XXe siècle, de la tradition académique aux révolutions modernes, les quêtes obstinées de l’artiste espagnol ont radicalement redéfini les contours de la notion de chef-d’œuvre », lit-on dans le catalogue. Des conditions de la création jusqu’à l’influence de la réception critique, le parcours met donc en lumière les événements qui ont contribué à ériger chaque œuvre au rang d’icône. Les archives du Musée national Picasso-Paris occupent une place essentielle dans ce récit.

Après avoir saisi quelques secrets de fabrication (coulisses, à-côtés, phases préparatoires…), on comprend aussi mieux comment Picasso mettait en scène son intimité. Il médiatisait parfaitement sa vie privée à travers des clichés, faisant de lui l’un des premiers « people » de l’art moderne.

Un artiste déjà virtuose porté par ses états d’âme

Tandis que la première exposition traverse la vie entière du maître pour proposer une nouvelle lecture de la création picassienne, Orsay (d’ailleurs en collaboration avec le Musée national Picasso-Paris) se concentre sur deux périodes comprises entre 1900 et 1906. Soit six ans dans la vie de ce peintre fécond. Une période essentielle de la carrière de l’artiste qui n’a, à ce jour, jamais été traitée dans son ensemble par un musée français (il a fallu trois ans pour rassembler ces 300 œuvres venues du monde entier). Picasso, tout juste âgé de 20 ans, débarquait alors à Paris, de Barcelone, via Montauban, précisément en gare d’Orsay.

Pablo-Picasso-Autoportraits

Autoportraits de Picasso © Collection Musée Picasso, Paris

L’accrochage est chronologique. À cette période, qui précède l’invention du cubisme, Picasso va vite. Dans les premières salles, trois autoportraits, dont la réalisation n’est séparée que de quelques mois, témoigne de sa vélocité. Il se métamorphose en même temps que son style qui va du figuratif à l’abstrait, de l’académisme au style personnel.

Le Catalan fréquente alors les cabarets, sort beaucoup, croise une faune bigarrée. Ces scènes de la vie nocturne parisienne sont peuplées de figures solitaires, d’êtres cabossés par la vie et de morts vivants : buveuse d’absinthe, prostituées, mendiants… Ses bleus se déclinent à l’infini, mais c’est plutôt sinistre, comme cette couleur spectrale qui enveloppe ses sujets, tel un suaire.

Pablo-Picasso-Acrobate-à-la-boule

Pablo Picasso, Acrobate à la boule © Image The Pushkin State Museum of Fine Arts, Moscow © Succession Picasso 2018

Lui succède une période rose, mais pas si apaisée que ça ! Malgré des tonalités plus douces, la mélancolie domine encore. Dès 1905, les teintes se réchauffent. Saltimbanques et acrobates, qu’il fréquente sur la butte Montmartre, occupent ses toiles. Avec son nouveau cercle d’ami, dont faisait notamment partie Apollinaire, Picasso se laisse imprégner par la légèreté française et l’amour. Les corps se sculptent et les visages se creusent progressivement, annonçant la révolution cubiste. Picasso n’a que 25 ans !

Malgré tout, Bleu et Rose feint de suivre la partition académique pour l’estomper et faire apparaître un Picasso tout en nuance et d’autant plus mystérieux. Décidément, on n’en a pas fini de sonder le miracle Picasso !

Picasso. Bleu et Rose, au Musée d’Orsay, jusqu’au 6 janvier 2019, site.

Sarah Meneghello


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Picasso, Chefs-d’œuvre au Musée national Picasso Paris

 

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